Les infections invasives à Streptocoque A (Streptococcus pyogenes)

Article

Suivi et déclaration des infections invasives à Streptocoque A

Une recrudescence des infections à Streptococcus pyogenes (ou Streptocoque du groupe A - SGA) a été observée depuis septembre 2022 dans le cadre d’une forte circulation des virus respiratoires, notamment chez les enfants (triple épidémie grippe, covid-19 et bronchiolite). Cette situation (point épidémiologique SpF du 26 mars 2023), n’est pas liée à l’émergence d’une souche bactérienne nouvelle, mais possiblement liée à l’augmentation de la fréquence du génotype emm-1 de séquence-type (ST) 28 déjà connu. Ces augmentations pourraient résulter, au moins en partie, d’un rebond post mesures barrières, notamment chez des enfants dont le système immunitaire n’a pas été au contact avec les souches de SGA qui circulent habituellement.

Comme en France, une augmentation du nombre d’infections à SGA non invasives (ex. angine, scarlatine) et invasives (IISGA) a été observée dans plusieurs autres pays en Europe, notamment au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas et au Danemark où l’incidence des cas d’IISGA au premier trimestre 2023 est toujours plus élevée que celle observée habituellement à la même période.

Le Haut Conseil de la Santé publique, saisi par la Direction Générale de la Santé en février 2023, a rendu un avis en juillet 2023 relatif à la conduite à tenir autour d’un cas ou de plusieurs cas d’infection invasive ainsi que de cas groupés d’infection non invasive à Streptococcus pyogenes (ou streptocoque du groupe A). Les nouvelles recommandations mettent à jour celles de 2005. (Https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=1338)

Un point sur la situation épidémiologique est régulièrement mis à jour sur le site internet SpFrance https://www.santepubliquefrance.fr/ (https://www.santepubliquefrance.fr/docs/situation-des-infections-invasives-a-streptocoque-a-en-france-au-26-mars-2023)

Une suspicion d’infection non invasive à SGA (ex. angine, scarlatine), chez l’enfant ou l’adulte, doit conduire à consulter pour une confirmation de l’étiologie sans délai et la mise en place du traitement adapté. Un tableau respiratoire viral fébrile qui ne s’améliore pas, surtout s’il est associé à un choc, doit faire évoquer une infection invasive à SGA.

La bactérie Streptococcus pyogenes ou Streptocoque du groupe A

Le Streptococcus pyogenes est un cocci à Gram positif en diplocoque ou en chaînette, bêta-hémolytique aux très nombreux facteurs de virulence. Le réservoir est humain, principalement situé dans le rhinopharynx et la peau. La contamination interhumaine est respiratoire (gouttelettes) ou par contact indirect à partir de lésions cutanées.

En 2020 comme en 2019, les quatre génotypes prédominants sont : emm1 (18,3 %), emm89 (9,5 %), emm87 (7,7 %) et emm28 (5,7 %) représentant 41,2 % des souches invasives (n=182). En 2022, la fréquence des génotypes emm1 et emm12 augmente à partir de mai-juin 2022.

Tableau clinique et diagnostic

  • Formes non invasives (les plus fréquentes) :
  • Angine : Diagnostic par TROD sur écouvillon pharyngé (systématique chez l’enfant ≥ 3 ans, indiqué chez l’adulte en cas de score de Mac Isaac ≥ 2)
  • Scarlatine : forme bénigne d'une infection à streptocoque, qui se présente comme un exanthème diffus typique évoluant vers la desquamation, associé à une glossite, elle peut évoluer vers des formes plus sévères et parfois réanimatoires constituant le syndrome du choc toxique ; diagnostic par TROD. Si TROD négatif, prélèvement de gorge pour culture bactériologique.
  • Formes invasives :
  • Leur létalité, toutes formes confondues, est de 20%. Les manifestations les plus fréquentes sont les suivantes :

  • Infection de la peau et des tissus mous (atteintes les plus fréquentes chez les adultes) : dermohypodermite éventuellement nécrosante, myosite
  • Infections respiratoires basses (atteintes plus fréquentes chez les enfants) : pneumonie et pleurésie
  • Syndrome de choc toxique streptococcique : peut survenir pour toute infection à streptocoque A, mais est plus fréquent en cas d’infection invasive. Il s’agit, par définition, de l’association d’une hypotension et d’au moins deux manifestations parmi les suivantes : insuffisance rénale, coagulopathie voire CIVD, hépatite (cytolyse ou hyperbilirubinémie > 2 N), SDRA, exanthème généralisé évoluant classiquement vers la desquamation, atteinte nécrosante des parties molles. Les diarrhées et vomissements sont également fréquemment rapportés.
  • Diagnostic : isolement de Streptococcus pyogenes dans un prélèvement habituellement stérile (liquide articulaire, …).

    Traitement et prévention

  • Les ß-lactamines (amoxicilline) constituent le traitement de référence des infections à SGA.
  • L’augmentation de la résistance aux macrolides-lincosamides-streptogramines (MLS) a atteint 35% en 2004. Depuis cette tendance s’est inversée avec une évolution encore plus marquée dans les cas pédiatriques (3,7% %) que chez les adultes (7,1%).

  • Cas confirmé :

Détection de Streptococcus pyogenes par culture, TROD ou technique moléculaire (amplification génique) dans un tissu normalement stérile comme le sang, le liquide cérébro-spinal (LCS), un épanchement articulaire, pleural, ou péricardique, l’os, l’endomètre ou les tissus profonds lors d’une intervention chirurgicale.

  • Cas probable :

Tableau clinique grave (choc, fasciite nécrosante, pneumonie ou pleurésie, arthrite septique, méningite, péritonite, ostéomyélite, myosite, infection puerpérale) et,

  • Détection de Streptococcus pyogenes par culture, TROD ou technique moléculaire (détection des acides nucléiques) dans un tissu normalement non stérile comme la gorge, les crachats, le placenta, les voies génitales, les plaies, les abcès cutanés ou sous-cutanés, ou,
  • Un lien épidémiologique avec un cas confirmé d’infection invasive à Streptocoque A, et,
  • Absence d’autre étiologie retrouvée

  • Si besoin, demander un avis auprès de l’astreinte d’infectiologie pour le traitement du cas et la prophylaxie nécessaire pour les sujets contacts identifiés.
Vous êtes dans les départements Qui contacter ?

Cher (18)
Eure-et-Loir (28)
Loiret (45)

CHR d'Orléans
Infectiologue de garde

02 38 51 44 44 (standard)

et demander infectiologue de garde

Indre (36)
Indre-et-Loire (37)
Loir-et-Cher (41)

CHU de Tours
Infectiologue de garde

06 25 96 47 37
02 47 47 74 50

  • Signalement sans délai à Santé Publique France de toute situation d’infection invasive à streptocoque A pédiatrique hospitalisé en unité de soins critiques (réanimation / Soins intensifs) selon le Protocole et questionnaire d’investigation GFRUP / SpFrance, selon la procédure Bluefiles.
  • Signalement sans délai à l’ARS des cas d'infection invasive à streptocoque A,
  • en cas de sujets contacts à risque en collectivité,
  • ou en cas de situation de cas groupés : survenue- d’au moins deux cas confirmés ou probables dans la même collectivité (domicile familial, établissement de soins ou d’accueil d’enfants, collectivités fermées comme camps militaires, prisons …) à moins de 10 jours d’intervalle ET

mise en évidence de contacts rapprochés prolongés ou répétés entre les cas OU

situation où des contacts rapprochés prolongés ou répétés entre les cas sont jugés possibles :

Plateforme régionale de veille et de gestion sanitaires 
ars45-alerte@ars.sante.fr
02 38 77 32 10

Suite à votre signalement, un agent de la Cellule de veille et de gestion sanitaires de l’ARS vous contactera pour :

  • lever l’anonymat et déterminer les modes d’investigation autour du cas (directement auprès du patient ou auprès de sa personne de confiance),
  • recueillir l’histoire de la maladie et les éléments nécessaires à la bonne compréhension de la situation,
  • recueillir si une antibioprophylaxie a déjà été mise en place pour les sujets contacts à risque dans le milieu familial.

Un contact-tracing extra-familial et professionnel sera ensuite mené par la cellule de veille et de gestion sanitaires.

 

  • Définition d’un sujet contact :

Sont considérés comme sujets contacts, les personnes ayant rencontré le cas index dans les 7 jours précédant le début des signes cliniques et jusqu’à 24 heures après le début d’une antibiothérapie efficace dans les contextes suivants :

  • partage du même domicile, de la même chambre ou du même endroit de nuitée ;
  • contacts intimes avec face à face, y compris lors d’activités sportives particulières impliquant des corps à corps (sport de combat, rugby, …) ;
  • contacts rapprochés de façon prolongée ou répétée avec possibilité de face à face (lors de voyage de plus de 8 heures sur un siège contigu, d’activité partagée entre enfants ou étudiants, …).

Cela concerne en particulier :

  • en milieu scolaire et en établissement pour enfants, les enfants du même groupe ou de la même classe (avant l’école élémentaire), ou ayant des activités partagées fréquentes ou prolongées (quel que soit le niveau), par exemple  les voisins de classe ou ceux du réfectoire, … ;
  • chez une assistante maternelle, l’ensemble des personnes vivant au domicile et tous les enfants fréquentant le domicile ;
  • les personnes ayant partagé durablement les mêmes locaux communs (en cité universitaire par exemple) ;
  • en milieu de soins, les personnes ayant partagé la même chambre.

En revanche, les collègues de travail, les voisins de palier, les camarades de classe à partir de l’école élémentaire (hors les voisins de classe immédiats) ne sont pas considérés comme des sujets contacts.

  • Définition d’un sujet contact à risque de forme grave :

Il s’agit des :

  • femmes enceintes de plus de 37 semaines d’aménorrhée ;
  • nouveau-nés (jusqu’à 28 jours de vie) ;
  • femmes ayant accouché dans les 28 jours précédents ;
  • personnes âgées de plus de 65 ans ;
  • personnes ayant une varicelle dans les 7 jours qui précèdent le début des signes chez le cas index et jusqu’à 24 heures après le début de l’antibiothérapie du cas index ;
  • personnes vivant dans des conditions particulières de précarité (personnes sans domicile fixe par exemple) ;
  • et de l’ensemble des sujets contacts vivant sous le même toit qu’un cas, lorsqu’un d’entre eux présente un facteur de risque de forme grave.
  • Gestion des sujets contacts
  • Pour tous les sujets contacts identifiés, informer sur la nécessité de consulter rapidement en cas de symptômes évocateurs d’infection à SGA invasive ou non (angine, pharyngite, fièvre, lésion cutanée, etc.), afin d’établir un diagnostic et de traiter précocement toute infection confirmée.
  • Pour tous les sujets contacts présentant un facteur de risque de forme grave (tel que défini plus haut), la prescription d’une antibioprophylaxie doit se faire le plus tôt possible après le diagnostic chez le cas index (au mieux dans les 24 premières heures) et jusqu’à 10 jours après le diagnostic. Elle concerne uniquement les sujets contacts présentant un facteur de risque de forme grave y compris l’ensemble des contacts vivant sous le même toit qu’un cas, lorsqu’un d’entre eux présente un facteur de risque de forme grave.
  • L’antibioprophylaxie doit être mise en place par le (ou les) professionnels de santé ayant pris en charge le cas avec l’appui de l’ARS ou l’équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) pour les situations le nécessitant (collectivités, milieux de soins). En première intention au choix : amoxicilline, céphalosporines orales de 1ère génération (céfadroxil ou cefaclor) ou macrolides et apparentés (clarithromycine ou azithromycine) - les posologies sont précisées en page 16 de l’avis HCSP de juillet 2023.

En toute circonstance pour des cas groupés d’infections invasives ou non à SGA :

  • promouvoir des mesures d’hygiène individuelle ;
  • mobiliser des mesures environnementales de type nettoyage régulier des locaux, surfaces et objets, aération ;
  • mettre en œuvre des mesures individuelles (même modalités qu’autour d’un seul cas) par éviction de la collectivité des personnes ayant une infection à Streptocoque A jusqu’à 24 heures après le début de l’antibiothérapie et antibioprophylaxie des sujets contacts à risque de forme grave en cas d’infection invasive chez le cas index.